Tout quitter en mini van et s’arrêter là…
Bom dia Brune !
Pourquoi décide-ton un jour de s’expatrier au Portugal avec mari et enfants ?
Beaucoup de choses, mais d’abord l’envie de partir quand mon mari et moi, nous nous sommes rendu compte qu’on restait beaucoup dans notre ville, et que nous ne voyagions
qu’en France.
La première étape fut donc un tour du monde pendant un an pour nos 30 ans. Ça nous a
beaucoup ouvert, et donné envie de découvrir des cultures différentes, de prolonger des
rencontres avec tous ces gens qui voyageaient.
Une fois revenus de notre tour du monde, nous pensions partir en Inde car nous avons eu un
gros coup de cœur pour l’artisanat local indien ; nous avons donc prospecté un mois en Inde.
Entre temps je suis tombée enceinte de jumeaux. Ils sont arrivés super tôt et nos projets ont
été modifiés, non pas qu’il y ait un problème pour accoucher en Inde mais avec des enfants
avec une santé un peu fragile nous avons décidé de partir moins loin.
En France, je travaillais avec un menuiser portugais avec qui je concevais le mobilier des
restaurants pour lesquels je travaillais comme architecte d’intérieur. C’était un premier lien au Portugal, et pour la petite histoire j’ai des origines indo-portugaises super lointaines !
Mais la vraie raison du Portugal c’est qu’on aime les pays en devenir, les trucs pas tout « nickel », le soleil, la mer à laquelle je suis très attachée et que Lisbonne est une capitale très animée et très agréable.
On est parti dans notre mini van, les enfants avaient 1 an. Je continuais de travailler sur mes
projets professionnels avec l’ordinateur sur mes genoux, en se disant qu’on pourrait,
pourquoi pas, s’arrêter en route mais la destination finale serait quand même Lisbonne. En
voyageant, on a une autre idée de l’échelle des distances et pour nous le Portugal c’était la province de la France. Ça devient tout de suite plus accessible.
Résultat, cette transition en bossant c’était une aventure et en même temps un moment propice à la réflexion.
Où vis-tu à Lisbonne ?
Je suis entre les quartiers Campo de Ourique et les Amoreiras, le quartier le plus plat de Lisbonne, dans une ville toute en pentes ! C’est un quartier très pratique, avec tous les commerces à pied, à côté du lycée français. Au début, j’étais un peu réticente car je suis
attirée par des quartiers plus populaires, plus mélangés, de l’autre côté de Lisbonne comme Graci qui me ressemble plus. Finalement, nous nous sommes installés là pour des raisons financières en achetant notre appartement car les loyers augmentaient vite, et aussi pour
être plus près des écoles.
Qu’est ce qui t’a séduit au Portugal ?
Surtout la gentillesse des Portugais. Ils sont très humbles, très « à la cool ». Pour eux c’est
d’abord la famille après le travail ; ils ont tout compris. Au départ on peut être un peu surpris
et agacé de leur rythme mais ils ont complètement raison. Donc ça incite à une vie plus cool, plus centrée sur la famille. Alors on gagne peut-être moins mais on est concentré sur les
choses qu’on aime. C’est vraiment « lever le pied », et prendre le temps de partager avec
nos enfants et c’est aussi l’occasion d’explorer d’autres voies. J’ai été très longtemps architecte d’intérieur et changer de pays m’a permis de faire des choses plus artistiques et
faire ce que j’avais « dans les tripes ». La vie est moins chère ici donc ça laisse le temps de
trouver l’inspiration pour la suite, et trouver un nouveau métier.
Avais-tu eu une expérience à l’étranger auparavant ?
Pendant mon Erasmus, j’ai vécu 6 mois à Milan en Italie pendant mes études à Politechnico
design (Ecole polytechnique). Ce fut une super expérience d’ouverture et je pousserai mes
enfants à faire ce genre d’expérience durant leurs études, à voyager tôt. Je trouve indispensable d’aller voir ce qui se passe dehors avant de s’établir dans un boulot, dans une
ville…
A la rencontre de l’univers de Médailles Bisavó
Comment vous est venu l’idée de créer votre entreprise ?
Déjà, après notre tour du monde, on avait plein d’idées d’artisanat à développer. On avait un carnet rempli d’idées, beaucoup trop d’ailleurs…c’est ce qui a fait la richesse de notre
voyage. On trouvait des objets insolites, on cherchait les artisans qui faisaient ces objets…on
est sorti des sentiers battus. En arrivant au Portugal je voulais faire autre chose que de l’architecture d’intérieur, je
voulais me concentrer sur autre chose, sur ce qui était plus fort en moi. Donc, en faisant tout
un travail sur moi, j’ai décidé de tout arrêter malgré les demandes, surtout avec un gros
client potentiel à Paris qui me proposait un plan de rêve. Même si j’étais flattée par ce client
qui voulait absolument travailler avec moi, ma décision était prise et j’ai été soulagée et
contente de m’y tenir.
Quelle a été ta démarche pour créer des bijoux sous la marque Bisavo ?
Il faut vraiment se libérer du temps pour être ouvert et se lancer dans l’entrepreneuriat.
Moi c’est en me baladant dans les rues de Lisbonne, que je suis tombée sur une petite
« grand-mère » qui vendait une médaille en or avec de l’émail en couleur. Je suis fan des bijoux en or et de la couleur. Je me suis renseignée sur cet artisanat et je me suis rendu
compte que c’est un artisanat qui disparaissait, qui était « sorti de mode ».
Ça m’a challengé de reprendre cet artisanat en le modernisant mais en conservant son
esprit. Cela m’a pris 2 ans pour retrouver quelqu’un qui puisse pratiquer ce type d’artisanat d’art. Ça a été très long mais on n’a pas lâché ! Mais c’est fou comment on peut se sentir
seul tant que tout n’est pas lancé.
Cependant, petit à petit, pas à pas le projet s’est concrétisé : le temps de faire son identité
visuel, l’univers de la marque et de recréer ces médailles avec l’idée de les moderniser, de
montrer toutes les religions et spiritualités, les messages d’amour.
Donc tout est parti d’une promenade mais en étant passé par des étapes plus ou moins
longues : arrêter le boulot, avoir un moment de flottement … il fallait passer par là avant de rebondir et croire en soi. Finalement on est tous fait pour quelque chose, plus on s’écoute, plus on va vers la bonne direction, donc vers ce qui nous correspond et qui va fonctionner.
Avais-tu un plan de développement particulier ?
Avec mon mari César, on est des artistes plutôt que des « business women/man ». On a
d’abord rencontré pas mal de gens, on s’est baladé dans le quartier des bijoux pour glaner des infos. On a eu la chance de rencontrer une femme qui avait sa boutique, et elle nous a fait rentrer dans ce milieu de l’or ce qui n’est pas aisé quand on n’est pas portugais…. On a eu un « fit ». On parlait avec passion de notre projet avec l’idée de soutenir l’artisanat portugais, avec l’envie de l’emmener vers l’international…après on s’est baladé dans la région, on a ratissé pour trouver des artisans.
Au niveau des calculs, on n’a pas fait de business plan : on a tout fait à l’instinct, au ressenti.
On n’a pas fait ça pour se faire plein d’argent avec un plan financier. On a commencé avec peu d’investissement. On a écouté notre instinct de créatif et notre sensibilité. Toujours avec
ce principe de se faire confiance.
Quelle est la particularité des bijoux Bisavo que tu crées ?
Bisavo raconte une histoire, C’est une marque « hyper » proche de ce qu’on vit ici.
Bisavo ça veut dire “arrière-grand-mère” en portugais. Ce nom retranscrit bien l’idée qu’on en avait c’est-à-dire la transmission de l’artisanat de génération en génération grâce à ces bijoux en or qui durent dans le temps. Ce ne sont pas des bijoux de pacotille qu’on
consomme, c’est vraiment fait pour traverser le temps. L’arrière-grand-mère, c’est cette
idée de sagesse, de transmission d’artisanat, de bijoux et d’amour. Les arrière-grand-mères
sont les sages de la famille…
Que retires-tu de cette expérience entrepreneuriale en expatriation ?
Je ne me sens pas vraiment « expat », c’est bien plus qu’une expérience temporaire. Je suis
là en ce moment et on verra par la suite.
Ce que je trouve intéressant dans le fait d’entreprendre à l’étranger, c’est le regard extérieur
que l’on pose sur la culture et l’artisanat. On peut emmener l’artisanat du pays avec un œil
neuf, peut-être plus moderne vers un autre univers.
J’imagine que les jeunes portugais considèrent ces bijoux comme des vieilleries, alors que
moi, ces trésors que je trouve, je les sors de leur contexte, je les mets en avant.
Ce que j’ai appris de cette expérience c’est de profiter de ce regard différent sur ces objets et de les proposer sur une autre forme tout en utilisant la manière de faire. C’est très
gratifiant pour moi de, quelque part, faire revivre cet artisanat qui disparaissait.
Quelle est la place des réseaux sociaux dans ton activité ?
C’est le nerf de la guerre je dirais. C’est plus mon mari qui gère les réseaux, moi je suis plus
dans la partie créa…lui il a parfois l’impression de se « prostituer » !
Ça marche très bien sur Instagram qui est quasiment notre seul canal de vente car notre site internet est un peu obsolète. On utilise les réseaux de façon instinctive, naturelle. Tout est
fait à la dernière minute, pas calculé : faut que ça soit léger, faut que ça reste un amusant !
On peut ne pas poster pendant un mois c’est pas grave. On veut garder et prendre du plaisir
dans ce qu’on fait. Et je pense que ça se ressent envers les clients ; garder ce côté « hyper »
libre et voir ce support comme une expression de liberté et non comme des chaînes.
Quelle est ta citation préférée ?
Crois en toi le ciel t’aidera. Vraiment il faut s’écouter et faire
confiance en son instinct pour être bien, heureux. On a toutes les réponses en nous. En
parallèle de l’entrepreneuriat, il y a un chemin spirituel. Je me suis écoutée, j’ai travaillé sur moi, ce qui m’a amené à me faire confiance et à croire en mes projets.
Ton tips pour s’adapter à la vie portugaise? S’adapter au rythme. Ça commence par la
commande au restaurant 😉 tout prend plus de temps. C’est un vrai exercice. Se laisser
guider par le rythme du pays. C’est une sacrée leçon pour la suite 😉