En proposant des patrons de couture pour une mode réfléchie et responsable, l’entreprise d’Amaia vient de s’installer à Beyrouth après des escales à Amsterdam et Singapour.
Entre imagination et réalisation, elle propose des patrons de couture pour femme et fille
Nouvelle rencontre, nouveau pays: direction le Liban où Amaia, grande expatriée nous livre sa vision de l’entrepreneuriat à l’étranger et comment s’organiser entre famille et projet nomade.
Bonjour Amaia, tu es une expatpreneure qui bouge beaucoup ! où vis tu en ce moment ?
En effet je déménage régulièrement ! J’ai quitté l’Espagne, mon pays, en 1998 et depuis, en moyenne tous les 3 ans, je pose mes valises dans un nouveau pays. J’ai vécu en France, Londres, New York, Singapour et Amsterdam avant d’atterrir ici, au Liban.
Je vis depuis quelques mois à Beyrouth dans le quartier Badaro, où j’ai suivi mon mari pour son travail. C’est un quartier où il y a une bonne mixité entre locaux et étrangers et c’est ce que j’aime quand je vis à l’étranger : s’installer dans un quartier où l’on peut vivre comme quelqu’un du pays. Le quartier est à échelle humaine et très animé avec de petites épiceries typiques à chaque coin de rue, des pâtisseries, snacks – beaucoup de fours à Manakishs…
Comment l’idée de l’entrepreneuriat en tant qu’expatriée s’est-elle présentée ?
J’ai créé ma première entreprise lorsque je vivais à Paris car j’ai toujours eu l’envie de créer. Par la suite, j’ai créé d’autres entreprises jusqu’à fonder celle qui m’occupe aujourd’hui. Avoir ma propre entreprise me permet de travailler n’importe où que je sois dans le monde.
Pourquoi la couture et ce nom “You Made My Day”?
La couture a toujours été une passion mais je n’aimais pas suivre des patrons prêts à l’emploi. Je trouvais ça trop long comme processus et le résultat de mes essais était souvent décevant , ça ne tombait pas bien ou je ne comprenais pas ce que je faisais vraiment…
J’ai commencé à donner des cours de couture et c’est à ce moment là que le besoin d’aller au delà m’a interpellé. La suite pour moi c’était de me former davantage dans le patronage, ce que j’ai fait en suivant des formations courtes et puis en autodidacte. J’ai vite constaté que je m’épanouissais dans la création de patrons de couture car je pouvais concrétiser mes propres idées. Donc j’ai créée “You Made My Day” en 2017, lors de mon expatriation à Amsterdam !
“You Made My Day” veut dire en quelque sorte « Tu as fait que ma journée soit meilleure ». Lorsqu’on aime la couture et qu’on lui dédie son temps, on se sent bien. A travers mes patrons, j’espère rendre la vie plus belle à celles/ceux qui les utilisent. En plus de mes patrons pour femmes et enfants, je donne des conseils de couture et des tutoriels sur le site “You Made My Day”.
Quels sont les principes qui ont guidé ta démarche d’expat-preneuse ?
Il y a eu une prise de conscience que tout ce « fast-fashion » est en train de pourrir la planète et détruire des vies… Pour moi la mode ne consiste pas à devoir acheter des nouveaux vêtements tous les 3 jours et s’obliger à monter et montrer une garde robe à l’infini. Lorsqu’on coud, on prend conscience du travail qu’il y a derrière la confection d’un vêtement, et puisqu’on l’a fait soi-même, on est fier de le porter et le garder longtemps. C’est un acte réfléchi, conscient, utile et amusant.
Mon côté créateur et manuel s’épanouit dans la couture, faire des choses avec mes propres mains me réjouit; en plus pour moi créer et laisser quelque chose sur cette terre est très important (je ne peux pas expliquer pourquoi !)
Quelles ont été les étapes à franchir pour créer ton entreprise ?
Tout d’abord se renseigner sur les aspects juridiques du pays en termes de création d’entreprise, et c’est très différent d’un pays à l’autre ! A Singapour ce qui devait être un démarche administrative simple a été assez compliqué et a pris des mois et j’ai dû payer un expert. A Amsterdam j’ai pris un RDV et j’ai créé ma boîte en 2 mois ! Entre le temps de me renseigner, d’avoir un RDV et d’obtenir les papiers. Pour “You Made My Day”, j’ai aussi créé un site internet et transformé tous mes réseaux sociaux en profil business. Enfin l’achat du matériel nécessaire qui se fait au fur et à mesure de mes besoins.
Qu’as-tu appris grâce à cette expérience en tant qu’expat-preneure ?
La capacité d’adaptation que l’on développe. J’ai dû aller au delà de mes timidités ou angoisses pour pouvoir avancer.
Lorsqu’on déménage souvent il est difficile de commencer à créer une petite équipe puisque le temps de rencontrer les gens, recruter etc…. on est déjà sur le départ. Donc on apprend à tout faire soi même (ou presque) et à travailler à distance avec les gens !
Quelle est la part des réseaux sociaux dans la gestion de ton entreprise et ton quotidien d’expat-preneuse ?
Une grosse partie car c’est d’abord et avant tout ma fenêtre vers l’extérieur. J’ai tendance à travailler de longues heures et 7/7 … les réseaux sociaux me permettent de communiquer et voir ce qui se passe ailleurs. Ainsi, en ce moment, grâce aux réseaux sociaux je suis rentrée en contact avec la CCI de Beyrouth et l’ESMOD (école de mode & business en France). Je suis aussi moins timide derrière un écran qu’en face à face et j’ai un gros défaut : je n’ aime pas me forcer à créer un réseau. Je suis plus moi même lorsque les connexions se font de manière spontanée par des rencontres naturelles. C’est aussi grâce aux réseaux sociaux que j’ai créé une communauté qui me suit, avec qui j’ai des vrais échanges, avec qui je m’améliore et que parfois j’ai la chance de rencontrer par la suite.
Comment l’entrepreneuriat est-il perçu au Liban ?
Actuellement, le pays traverse une grosse crise financière et sociale, donc je n’ai pas encore pu rencontrer beaucoup d’entrepreneurs…
En conclusion, pour toi, lancer son entreprise en étant à l’étranger, est-ce un défi compliqué ?
Dans certains pays c’est plus facile que dans d’autres, tout d’abord de part la complexité juridique. Et puis la situation économique du pays, la culture entrepreneuriale locale… Ce qui est plus difficile c’est de devoir recommencer tous les 3 ans… même si mon travail peut être fait n’importe où (du moment que j’ai mes machines et mon ordinateur) mais il faut repartir de zéro au niveau juridique et fiscal, réseau, fournisseurs, etc…
Ta citation préférée?
Il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne se trompent jamais.
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