Des collections de linge de maison produites de manière raisonnée, respectant les contraintes humaines et environnementales tel est le défi de deux expatriées vivant à plusieurs milliers de kilomètres l’une de l’autre.
Entreprendre à deux et vivre des expatriations différentes: l’aventure Bindi Atelier
Notre portrait du jour ou devrais-je dire nos portraits du jour nous emmène entre La France, Abu Dhabi et l’Inde… un voyage longue distance.
Un projet nomade commun mais dans deux pays différents: des collections de linge de maison et une histoire d’entrepreneuriat riche en couleurs!
Anne-Sophie et Solène, fondatrices de Bindi Atelier, bonjour ! Vous êtes le premier binôme d'”expatpreneuses”des Musettes vivant à plusieurs milliers de kilomètres l’une de l’autre et travaillant avec un pays différent de vos résidences respectives !
Pouvez-vous nous en dire plus ?
Anne-Sophie : J’habite à Abu Dhabi, aux Émirats Arabes Unis. C’est une ville moderne, avec quelques quartiers encore traditionnels, et en perpétuel mouvement. Nous habitons à Al Raha Beach en bordure de la ville, dans un quartier calme et résidentiel, avec la mer et la plage juste en bas. Idéal avec de jeunes enfants.
Solène : Je vis désormais à Lille dans le Nord de la France. Après plusieurs années très intenses passées en Asie (Shanghai, Hong Kong et New Delhi), je découvre avec plaisir la douceur de vivre de la province.
Quel a été votre parcours auparavant ?
Anne-Sophie : Lorsque je l’ai rencontré, mon amoureux partait pour un stage d’un an aux Émirats. C’est ainsi que j’ai découvert le pays, et que j’ai été amenée à y faire un stage également. A la fin de nos études, nous avons chacun eu des opportunités professionnelles à Abu Dhabi, nous avons donc foncé ! Nous pensions y rester entre 1 an et 2 ans…. 10 ans et deux enfants plus tard, nous nous y sentons toujours bien !
Solène : Je suis originaire de Paris où j’ai grandi et fais mes études. J’ai rencontré mon mari en Chine il y a bientôt 13 ans lors d’un échange universitaire, et il était embauché par un groupe Lillois. Après plusieurs expatriations au sein de ce groupe il s’est vu proposé un poste au siège à Lille. C’est la raison pour laquelle nous habitons actuellement dans cette région.
Quelle était votre expérience de la vie à l’étranger auparavant ?
Anne-Sophie : Non, c’est ma première expérience de vie à l’étranger.
Solène : J’ai eu la chance de vivre en Chine en 2006 dans le cadre d’un échange universitaire de 6 mois à Shanghai. J’ai eu un vrai coup de cœur pour ce pays et pour l’Asie en général. J’ai décidé d’y revenir à la fin de mes études grâce à un VIE à Hong Kong où je suis restée 2 ans. Puis je suis retournée travailler à Shanghai pendant 3 ans où est né notre premier enfant. Après un rapide passage en France, mon mari a eu une opportunité d’expatriation à New Delhi en Inde, et nous sommes partis y vivre pendant 1,5 ans avec notre petit garçon ; j’ai accouché de mon second enfant là-bas.
Quelles sont les circonstances qui vous ont donné l’idée de vous lancer dans l’entrepreneuriat en tant qu’expatriées ?
Anne-Sophie : Après 7 ans dans le monde “corporate”, j’ai senti que j’arrivais au bout d’un chapitre. J’avais envie d’indépendance, de flexibilité… Solène et moi échangions souvent au sujet de l’entrepreneuriat, cela nous faisait rêver ! Lorsque Solène m’a fait part de son projet, et ma proposé de la rejoindre, j’ai tout de suite été emballée par l’idée, je savais qu’on pouvait faire un super duo, et le timing était parfait pour moi.
Solène : En arrivant en Inde, j’étais enceinte de mon second enfant. Là où en Chine je n’avais jamais eu la moindre difficulté à décrocher un emploi, qui correspondait à mon profil, en Inde ce fut plus compliqué. Être une femme étrangère fut un frein et les conditions de travail en contrat local étaient plutôt décourageantes. Après avoir travaillé en Chine entourée d’entrepreneurs et où les choses allaient très vite, j’ai développé l’envie de créer quelque chose. L’Inde est un pays extrêmement inspirant et j’ai rapidement su que je pourrais y créer mon activité. Notre statut d’expatriés me permettait également d’entreprendre sans mettre en danger financièrement notre famille.
Quel est l’objet de Bindi Atelier, votre entreprise ? Comment travaillez-vous ?
Anne-Sophie / Solène : L’idée a germé dans la tête de Solène alors qu’elle habitait en Inde et travaillait avec des artisans sur place. Les tissus, les voyages, les artisanats du monde sont des thématiques qui nous passionnent toutes les deux. L’Inde est un pays très créatif qui déborde de savoir-faire artisanaux. Nous y avons découvert la technique du “Blockprint” ; elle consiste à imprimer le tissu entièrement à la main à l’aide de tampon de bois. C’est un procédé ancestral qui se transmet de générations en générations et qui nous a tout de suite fasciné.
Pour le nom, nous voulions qu’il reflète à la fois le savoir-faire indien et la touche française. Le mot “Bindi” est tiré du mot « bindu » qui signifie « goutte ». C’est un symbole religieux et culturel que beaucoup de femmes indiennes portent sur le front.
Nous sommes tombées sous le charme du “Blockprint”, et avons eu à cœur de valoriser cette technique ainsi que les artisans qui la pratiquent. Cela implique que nous travaillions sur un rythme de production plus lent, avec des aléas (climatiques, humains) que nous acceptons et qui font partie de notre démarche. Nous souhaitons apporter notre touche personnelle en ne travaillant que sur des motifs que nous dessinons nous même, autour de thèmes colorés et joyeux, car nous souhaitons apporter de la bonne humeur autour de nos créations.
Quelles ont été les étapes de la création de votre entreprise Bindi Atelier ?
La première année a été dédiée à la création des motifs, à l’élaboration de la collection, à la construction de notre site internet et surtout à la recherche de notre atelier partenaire à Jaipur. Trouver l’atelier qui partageait nos valeurs tout en garantissant la qualité que nous recherchions n’a pas été simple. Mais nous avons aujourd’hui la chance d’avoir un partenaire de confiance, qui partage notre vision et qui nous accompagne dans notre évolution.
Nous nous sommes toutes les deux formées au design graphique afin de pouvoir dessiner nos propres motifs.
Le retour de Solène en France a coïncidé avec le lancement de la marque et le début de sa commercialisation.
Jusqu’à très récemment, nous nous sommes occupées de toutes les démarches nous-même : démarches administratives en tout genre, comptabilité, développement du site… nous avions à cœur de nous imprégner de chaque tâche inhérente à la construction de l’entreprise, cela a été très formateur et nous a également permis de rationaliser nos coûts, car notre entreprise est autofinancée, et de mettre toutes nos ressources sur le développement et l’achat de notre première collection. Depuis cet été, nous louons un bureau qui nous sert également d’espace de stockage et de plateforme d’envoi des commandes et nous commençons à nous entourer d’experts dans leur domaine, afin d’aider à faire grandir la marque.
Les kilomètres qui séparent les “mompreneures” ne sont pas un obstacle mais au contraire un avantage
Anne-Sophie à Abu Dhabi, Solène à Lille, la production en Inde… Comment faites-vous? Chacune d’entre vous a-t-elle un rôle spécifique ?
Anne-Sophie serait plus tournée vers les contacts avec l’Inde et moi le commercial, mais nous partageons chaque étape de la démarche !
Notre entreprise est basée en France, donc dans notre cas, le plus gros challenge est de travailler en duo sur deux continents différents, avec un décalage horaire et une semaine décalée (la semaine commence le dimanche à Abu Dhabi). Mais nous essayons de transformer cette situation en force.
Qu’avez-vous appris grâce à cette expérience d’ “expatpreneuse” ?
Anne-Sophie : Concrètement, nous avons appris mille choses, c’est une expérience très formatrice, qui nous permet de nous confronter à des sujets très variés. Mais surtout, la vraie leçon, c’est qu’il faut oser se lancer ! Avec de la passion et beaucoup de travail, rien n’est impossible…
Solène : Effectivement nous ne cessons d’apprendre et c’est passionnant. Entreprendre dans un pays qui n’est pas le sien, développer un projet, le faire grandir, sortir de sa zone de confort constamment, s’affranchir des barrières culturelles, cela m’a permis de gagner confiance en moi et de réaliser qu’aucun chemin n’est tout tracé.
Quelle part prennent les réseaux sociaux dans votre activité ?
Une grande part ! Nous avons la chance d’avoir une communauté très engagée sur Instagram, et nous prenons le temps d’échanger tous les jours avec nos clientes, car leurs mots doux nous boostent et leurs retours nous font grandir. C’est très chronophage, alors nous essayons de mettre des limites, notamment lorsque nous sommes avec les enfants (mais ce n’est pas toujours évident !)
Instagram nous permet aussi de nous faire connaître auprès des revendeurs et c’est un outil de prospection assez puissant.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur l’importance du réseau en expatriation ?
Anne-Sophie : Le réseau se fait vite ici, étant donné que nous ne sommes pas dans notre pays d’origine, je trouve les personnes plus ouvertes aux rencontres et les relations facilitées. Il y a plein d’opportunités de rencontrer de nouvelles personnes (groupes d’accueil, “business groups”, école, paroisse…) ainsi qu’une communauté française très solidaire. Et ce que je trouve très enrichissant ici, c’est que l’on côtoie tous types de profils, des personnes qu’on n’aurait pas forcement eu la chance de rencontrer en France.
Solène : Désormais rentrée en France, ce que je retiens de l’expatriation c’est la puissance du réseau. J’ai eu la chance de développer des réseaux forts dans les différents pays où j’ai vécu, composés de personnes aux profils atypiques, époustouflants et inspirants. Créer son réseau c’est quelque chose de très naturel lorsqu’on vit au sein d’une communauté à l’étranger. Il y a beaucoup moins de barrières qu’en France où les rencontres y sont beaucoup plus codifiées.
Comment qualifieriez-vous l’état d’esprit de votre pays d’expatriation vis à vis de l’entrepreneuriat ?
Anne-Sophie : Les Emirats sont un grand “melting pot” qui accueillent plus de 200 nationalités, le pays est jeune et les opportunités de créer sont nombreuses, cela favorise les initiatives. D’autre part, le pays met en place de nombreuses mesures qui permettent de faciliter le lancement de projet.
Solène : Que ce soit à Hong Kong, Shanghai ou New Delhi qui sont des villes en pleine mutation, l’esprit entrepreneurial y est très présent. La notion d’échec n’a pas une connotation aussi négative qu’en France : on en ressort forcément grandi et on apprend de ses erreurs. La vision de la réussite est également différente. Un entrepreneur qui réussit en Chine ou en Inde est respecté et admiré. En France, la réussite se doit d’être plus discrète …
Votre citation préférée?
Anne-Sophie : Sois le changement que tu veux voir dans le monde – Gandhi
Solène : Chaque rêve que vous laissez derrière vous est une partie de votre futur qui cesse d’exister. – Steve Jobs