Ses parents ont quittés le Portugal pour vivre en France, mais l’appel de l’histoire maternelle a été plus forte
Bonjour Paula, tu es notre nouvelle expat au Portugal, où vis-tu et depuis combien de temps ?
Je vis depuis 17 ans à Lisbonne. J’ai habité plusieurs quartiers car les premières années, j’ai
beaucoup déménagé pour connaitre la ville et ses habitants. Actuellement, je vis dans un quartier
nommé Bairro das Colonias où chaque nom de rue correspond à une ancienne colonie portugaise
dans un magnifique immeuble Art Déco. Après l’arrivée massive d’étrangers, j’y ai trouvé un bon
compromis entre petite communauté portugaise et ethnique ainsi que tous les services nécessaires
au quotidien à des prix encore locaux !
Qu’est-ce qui t’as amené au Portugal ?
Après septembre 2001, j’ai beaucoup commencé à réfléchir au sens de la vie. Je suis venue en congé
sabbatique en 2004 (il a bien fallu que j’économise pour mes impôts !!) et je ne suis pas repartie ! À
l’époque c’était la vie bohémienne et romantique…
Tu as donc changé ta vie romantique et ensuite un poste de salariée pour l’entrepreneuriat en
expatriation, comment l’idée s’est-elle présentée ?
Il faut savoir qu’au Portugal les perspectives professionnelles sont assez réduites. Les salaires sont
aussi inférieurs à ceux de beaucoup de pays. Lorsqu’il y a quatre ans j’ai quitté le Groupe français où
je travaillais, je savais que ce serait forcément pour monter un projet.
J’ai commencé par faire de la décoration d’intérieure et deux ans après, une nouvelle idée a germé !
Tu peux nous en dire plus ?
Tout d’abord, j’ai un lien fort avec le pays. Je venais tous les étés passer deux mois chez mes grands-
parents maternels. J’ai toujours adoré le décalage entre mon éducation française et les étés
portugais. La vie se passait dans la campagne, légère, humble et simple.
Il y a deux ans, j’ai découvert des photographies anciennes du peuple portugais. Je les ai trouvées
magiques et poétiques. J’ai voulu les réinterpréter d’une façon différente et surtout je rêvais que les
amoureux du Portugal ou/et la diaspora portugaise ait envie d’emporter ce souvenir avec eux.
L’idée de départ a donc été de faire sérigraphier des linges décoratifs où chaque photographie
ancienne est associée à un mot et à sa signification. Le tout en portugais.
Quand entreprendre rime avec éducation et Histoire
Et le nom de ton entreprise, Luz Editions ?
Il s’est imposé très vite. Luz signifie Lumière en portugais. Luz, c’est la lumière de Lisbonne, c’est
beau et court et assez facile à prononcer. J’ai accolé Editions car je savais que j’allais produire
plusieurs choses.
Quels sont les principes qui ont guidés ta démarche d’expat-preneuse ?
À la base, sans doute un besoin d’éduquer sur l’histoire et les traditions via les photographies. Je
voulais vraiment transmettre la culture ainsi que le souvenir. Les photographies choisies datent de
1950-1960 pourtant, dans les campagnes des années 70, la vie n’avait pas beaucoup changé. Il faut
se souvenir que le Portugal a subi une dictature qui a duré 41 ans ce qui lui a fait prendre beaucoup
de retard sur son développement.
En tant qu’entrepreneuse, je vois le côté positif de générer de l’emploi, d’utiliser une matière
première comme le lin naturel qui n’a besoin que de peu d’eau pour pousser et dont l’utilité finale ne
nécessite pas qu’il soit “lavé”.
C’est un processus totalement artisanal. Chaque linge est imprimé manuellement un à un et donc
aucun n’est vraiment similaire à l’autre… Je pense qu’il est important de nos jours de consommer
intelligemment. De comprendre que la valeur d’une pièce réside non seulement dans sa transmission
émotionnelle mais aussi dans sa différence, son imperfection issue de la main de l’homme et non de
la machine.
Peux-tu nous expliciter les étapes du développement de ton entreprise?
Une fois que l’idée est née, une partie du travail était pour ainsi dire déjà définie !
J’ai commencé par réfléchir aux valeurs avant même tout le reste et aussi au sens de fabriquer
encore quelque chose… Il fallait que l’ensemble soit fondé et que mon projet apporte une valeur
différente sur le marché. J’ai donc commencé à sourcer les gens avec lesquels je pouvais travailler.
On a beau être au Portugal, si vous n’êtes pas gros, vous n’intéressez pas beaucoup de monde. J’ai
finalement trouvé un petit atelier qui travaille avec moi sur des quantités réduites et s’adapte
lorsque j’ai besoin d’une production urgente. Pour la sérigraphie, j’ai découvert une artiste très
douée qui a vraiment l’exigence recherchée. Lorsque les quantités ont augmenté, j’ai dû associer un
autre atelier car c’est très physique la sérigraphie et lorsque vous êtes artiste, vous aimez vous
renouveler.
En parallèle, j’ai pris un bon comptable (partenaire indispensable !) et j’ai commencé à rechercher
quelqu’un pour créer le site et puis boum ! Covid, confinement… les doutes et les questionnements…
ma première production de 300 pièces était prête et je venais de la shooter donc je me suis moi-
même lancée dans la construction de l’e-shop avec Shopify ! Début juin 2020, j’ai lancé le site.
Premières commandes…
Depuis, je commence à penser plus gros et plus loin et à chercher des financements. Je subis
beaucoup l’impact de travailler seule chez moi et je compte donc m’entourer de deux jeunes
stagiaires pour commencer et d’avancer avec un agent textile.
Mon projet de départ est en train d’évoluer vers des partenariats avec des artisans ou artistes.
Associer nos têtes et nos savoirs pour transmettre l’âme portugaise.
Les démarches ont-elles été longues, compliquées … ?
L’idée a germé à l’été 2019. J’ai mis 3 mois à trouver les gens avec qui démarrer et la première
production était prête en février 2020. Au niveau administratif, j’ai pris le statut d’auto-
entrepreneuse et un an après, j’ai créé mon entreprise. Je travaille toujours de chez moi mais je vais
sans doute prendre un espace qui servira de showroom et pour stocker mes futurs produits.
Qu’as-tu appris grâce à cette expérience en tant qu’expat-preneuse ?
N’étant pas vraiment une expat-preneuse, je vais juste dire que ce qui me semble le plus important
lorsque l’on lance son projet dans un pays qui n’est pas son pays d’origine, c’est de respecter les gens
et leurs coutumes.
Venant de Paris, j’ai dû apprendre la patience ici. On est dans un pays du Sud et la majorité des gens
ont un rythme ralenti.
Le niveau d’exigence n’est pas le même et vous devez vous battre pour faire comprendre pourquoi il
faut recommencer ou pour faire comprendre que oui, on va y arriver.
Cela étant, le Portugais est un être sociable et surtout très chaleureux. Si vous avez à faire à des
artisans ou à des artistes, il faut aller à leur rencontre et privilégier le contact direct. Le non est plus
facilement assuré s’il s’agit d’un échange écrit ou téléphonique.
Quelle est la part des réseaux sociaux dans ton activité ?
Les réseaux sociaux prennent toujours une partie importante même si j’apprends de plus en plus à
me limiter à ce qui fonctionne et à y passer de moins en moins de temps. Pour cela, j’utilise des
applications comme Hootsuite et je compte déléguer cette partie prochainement. Instagram est sans
aucun doute le réseau qui m’apporte le plus de connexions et d’interaction. Beaucoup de mes
revendeurs m’ont trouvé par ce canal sur Luz Editions
Un dernier mot, ta citation préférée?
Le seul voyage est intérieur – Rainer Maria Rilke
Cette citation a toujours eu un sens très fort pour moi et elle a pris une dimension encore plus
intense et plus véridique ces derniers temps.
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